lundi 13 février 2012

La signature de la seule CFE-CGC peut valider un accord inter-catégoriel de Branche

Un accord inter-catégoriel vise nécessairement, s’agissant de la CFE-CGC, les salariés que ses statuts lui donnent vocation à représenter. Or, dès lors qu’un syndicat a le droit de participer à une négociation inter-catégorielle, il a naturellement et légitimement le droit de prolonger cette négociation par sa signature, peu important qu’il soit seul ou non à signer.

La CFE-CGC a bien vocation statutaire à signer un accord inter-catégoriel.

Concernant la validité d’un accord de branche, les dispositions issues de la loi du 20 août 2008 sont les suivantes :

Selon l’article L. 2232-6 du code du travail : « La validité d’une convention de branche ou d’un accord professionnel est subordonnée :

- A sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli aux élections […] au moins 30% des suffrages exprimés en faveur d’organisations reconnues représentatives à ce niveau, quel que soit le nombre de votants

- Et à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés en faveur des mêmes organisations à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants ».

Il en résulte que seul le niveau d’audience électorale des organisations syndicales représentatives au sein de la branche (et appréciée au sein de la collectivité de travailleurs visée par l’accord) détermine la validité de celui-ci.

Dès lors que l’audience du minimum de suffrages exprimés par la loi est atteinte, et à défaut d’opposition majoritaire, aucune autre condition n’est requise ni même suggérée par les dispositions légales. Il n’y a donc pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas, sauf à instaurer une discrimination entre les syndicats.

La mesure de l’audience des organisations syndicales au niveau de la branche n’aura lieu qu’en 2013, aussi la CFE-CGC ne préfère pas préjuger des résultats électoraux qui en résulteront et en prendra acte en temps voulu.

Enfin, sous l’empire de l’ancien dispositif, la seule restriction pour une organisation catégorielle quant à la validité d’un accord inter-catégoriel signé par elle seule était la reconnaissance de sa représentativité à l’égard de toutes les catégories professionnelles, sans que son objet statutaire ne soit considéré comme un obstacle à cette possible reconnaissance.

La jurisprudence n’a donc jamais considéré les statuts comme restriction à l’aptitude d’un syndicat catégoriel à signer un accord inter-catégoriel, et a toujours au contraire fait prévaloir l’audience et l’influence réelle du syndicat, rapportées à la collectivité de travail concernée.

lundi 23 janvier 2012

Egalité de traitement : la CFE-CGC en première ligne

« Attendu cependant que la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ».

Par cet arrêt, dit « arrêt Pain ou arrêt DHL express » du 1er juillet 2009, la cour de cassation a répondu à la demande d’un salarié qui réclamait le même nombre de jours de congés que les cadres qui bénéficiaient, dans son entreprise, en vertu d’un accord collectif d'entreprise, de 5 jours de congés payés supplémentaires.
La cour d’appel de Montpellier a repris la même position le 4 novembre 2009 pour accorder à une salariée non cadre, un rappel d’indemnité compensatrice de préavis et de licenciement pourtant fondée sur la Convention collective applicable à l’entreprise.

Le code du travail, lui-même, prévoit également des disparités de traitement entre les catégories de personnel, sur la période d’essai par exemple : plus longue pour les cadres que pour les autres catégories de personnel. La loi de modernisation du marché du travail de du 25 juin 2008 reprécise les durées maximales pour les ouvriers et employés (2 mois), les agents de maitrise (3 mois) et les cadres (4 mois) quelque soit leur branche professionnelle.

Les conventions collectives définissent souvent des mesures qui s’appliquent de façon différenciées à chacune des catégories professionnelles : ouvriers - employés, techniciens - agents de maitrise, ingénieurs et cadres. Par exemple, il est précisé dans la convention collective de la chimie que les cadres voyagent en première classe SNCF, il existe un accord de prévoyance cadre dans la convention de la pharmacie d’officine, …

Les accords d’entreprises comprennent parfois des différentiations entre les catégories de personnel mais elles sont de plus en plus rares. La CFE-CGC en sait quelque chose d’autant plus qu’elle pourrait être amené à signer seule, comme organisation catégorielle, des accords concernant uniquement l’encadrement. Mais cette possibilité n’est en général pas utilisée par les employeurs.

Alors, l’insécurité juridique est importante car les situations sont aujourd’hui largement acquises et on imagine le bouleversement que représenterait la remise à plat de toutes les conventions collectives et autres accords. Car malgré l’unanimité des signataires il suffit qu’un seul salarié porte plainte sur ce motif pour que l’accord soit remis en cause.

Toutefois, un jugement du TGI de Paris en date du 29 novembre 2011, a débouté la CGT et la CFDT de leurs demandes concernant la révision de 6 articles de la convention collective syntec des sociétés de service informatique qui accordent des avantages différentiés entre cadres et non cadres : durée du préavis, indemnité de licenciement, paiement du travail habituel de nuit, du dimanche et des jours fériés, incapacité temporaire de travail, et les moyens de voyages et transports.
Ce dernier jugement d’ailleurs en appel, n’exclut pas toutefois d’autres recours même si il porte un premier coup d’arrêt indéniable à des volontés d’égalitarisme forcené.
En effet, l’argumentaire du TGI repose sur le fond, article par article, et ne tient nullement compte de l’équilibre global de la convention collective négociée et signée par les syndicats.

C’est pourquoi, sur les accords à venir, il conviendra d’être particulièrement vigilant sur l’égalité de traitement entre les différentes catégories de salariés.

Concernant les accords déjà appliqués, le stock devra être analysé avec prudence pour éviter des dérives préjudiciables aux salariés dans leur ensemble, car peu d’entreprises ou de branches ont les moyens aujourd’hui de « sécuriser » ces accords par un alignement vers le haut de tous « les avantages ».

mardi 31 mai 2011

La signature de la seule CFE-CGC valide un accord Inter Catégoriel

Avant la loi sur la représentativité syndicale du 20 aout 2008, rares sont les accords d’entreprise couvrant toutes les catégories de salariés : ingénieurs et cadres, agents de maitrise et techniciens, ouvriers et employés, qui ont été signés par la seule CFE-CGC.

L’employeur renâclait en effet à cosigner avec cette organisation syndicale représentative de l’encadrement un accord généralisable à tous les salariés car il craignait l’opposition des autres organisations.

Mais depuis la loi du 20 aout 2008, les choses sont plus simples :

En effet, une organisation syndicale peut signer un accord à condition de franchir 30% des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles et il faut, de plus, que cet accord ne mobilise pas plus de 50% d’opposition pour être appliqué.

C’est ce que la CFE-CGC de Yara France a fait le 4 janvier 2010 pour un accord « seniors » puisqu’elle a obtenu 35 % des voix, sur les 5 établissements de l’entreprise, tous collèges confondus, lors des élections qui se sont déroulées au mois d'avril 2009, sans avoir, bien entendu, présenté de candidat dans le 1er collège conformément à ses statuts.

Yara France a négocié comme la plupart des entreprises en France un accord senior en 2009. Lors de cette négociation, la CGT a estimé que ses propositions n'avaient pas été assez prises en compte et a refusé de signer. Ne réunissant pas autour d’elle les 50% nécessaires pour invalider l’accord, elle a assigné la CFE-CGC devant le tribunal de grande instance de Nanterre (TGI) pour lui contester le droit de signer un accord inter-catégoriel car il ne relèverait pas de l’objet social de la CFE-CGC.

Le tribunal qui vient de rendre son jugement le 20 mai 2011 après l’audience du 1er avril se tient strictement à la lettre de l’article L 2232-12 du code du travail :

- d’une part la CFE-CGC, compte tenu des suffrages qu’elle a recueillis est « représentative dans l’entreprise »

- d’autre part, qu’à défaut d’avoir exercé son droit d’opposition, la CGT ne peut pas contester la validité de l’accord collectif signé par la CFE-CGC.

Cette décision, attendue, est la première, après la loi sur la représentativité du 20 aout 2008, qui conforte la CFE-CGC dans son rôle d’organisation représentative au même titre que toutes les autres. La CFE-CGC peut désormais signer, éventuellement seule, un accord intéressant tous les salariés, à condition de dépasser 30% des suffrages exprimés tous collèges confondus, au premier tour des élections professionnelles

Une décision contraire eu été surprenante car il aurait fallu alors expliquer que les pourcentages de voix n’avaient pas la même valeur pour la CFE-CGC que pour les autres organisations syndicales.