mercredi 6 janvier 2010

Et la recomposition du paysage syndical ?

La loi du 20 aout 2008 est considérée par certains comme étant la traduction d’une volonté politique de restriction du paysage syndical.

Les analyses de soi-disant spécialistes de la vie syndicale relayés par les bénis oui-oui habituels renforcent cette impression de catastrophe annoncée par des hurlements de sirène appelant à la mobilisation et au regroupement, mettant en avant le risque de disparition des « petites » organisations et du pluralisme syndical.

Pourtant il ne faut pas oublier que cette loi du 20 aout est la traduction mot à mot de la position commune cosignée par deux organisations syndicales de salariés et qui aurait pu être aussi signée par la CFE-CGC si des opérations de rapprochement avec une organisation syndicale de fonctionnaires, menées en sous main, n’étaient pas venues perturber sa décision.

Et même s’il est regrettable que des organisations historiquement légitimes puissent perdre leur représentativité nationale interprofessionnelle, et qu’il est indéniable que cela conduise à un affaiblissement ponctuel de la négociation collective et du paritarisme, cette loi ne concrétise finalement que ce qui est déjà là : la perte de représentativité générale des organisations syndicales.

Le jugement du tribunal d’instance de Brest et la plainte déposée à l’Organisation Internationale du Travail peuvent ils remettre les compteurs à zéro et repartir vers la présomption irréfragable de représentativité comme avant ?

On peut s’intéresser aujourd’hui, un an et demi après la promulgation de la loi, aux gesticulations de CGT-FO avec ses requêtes devant le tribunal d’instance de Brest et auprès de l’Organisation Internationale du Travail car cette organisation découvre qu’elle n’est pas à l’abri de résultats défavorables lors d’élections professionnelles, toute troisième organisation syndicale croit être !
Mais ses plaintes en discrimination syndicale ont peu de chance d’aboutir. D’une part car le conseil constitutionnel a déjà statué sur le principe d’égalité alors qu’il avait été saisi par les députés de l’opposition en 2008, et d’autre part parcequ’offrir la possibilité aux salariés de choisir par le vote le, ou les, syndicats qui peuvent les représenter dans l’entreprise n’est pas contraire aux libertés fondamentales : les seuils exigés pour la représentativité sont les mêmes pour tout le monde.
Pour la CFE-CGC qui est un syndicat catégoriel dans ses statuts il est admis que les seuils soient calculés sur les collèges où ses statuts lui donnent le droit de présenter des candidats. Si CGT-FO exige la même chose pour le premier collège, il aurait fallu que ses statuts précisent qu’il est un syndicat catégoriel du premier collège.

Pourquoi cet enthousiasme à la recomposition syndicale touche-t-il aujourd’hui les organisations qui se complaisaient jusqu’alors dans leur indépendance ?

La loi du 20 aout rend très difficile, voire impossible, l’atteinte de la représentativité interprofessionnelle nationale pour un certain nombre d’organisations qui ne le sont pas, mais il y a aussi un autre grand danger qui motive les organisations à bouger : la démographie !

Et les organisations syndicales qui se sentent les plus menacées sont celles qui comptent de forts bataillons de fonctionnaires dans leurs rangs.

En effet, quelques chiffres suffisent à éclairer ce danger pour la période 2010-2015 :
- 120 000 fonctionnaires vont partir à la retraite tous les ans soit au moins 600 000 fonctionnaires dans la période (source Apec octobre 2009).
- Le taux de syndicalisation dans ce secteur est d’au moins 15% ce qui signifie qu’au minimum 90 000 militants, parfois de très haut niveau, vont partir sans être remplacés par des jeunes, car ceux-ci se syndiquent moins que leurs ainés et, de plus, il est prévu de ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux.
- Paradoxalement le privé est beaucoup mieux loti car il est « protégé » par son taux de syndicalisation de moins de 5% et parce que les départs démographiques de ces prochaines années seront, au minimum, compensés.

Il y a donc urgence pour toutes les organisations syndicales qui ont une forte représentation dans le public : pour l’UNSA qui recommence son tour de piste par la CFDT après avoir échoué avec la CFE-CGC, pour la FSU qui se tourne désormais vers la CGT et même pour CGT-FO qui s’agite aujourd’hui avec des actions juridiques contre la loi du 20 aout après avoir « perdu » plus d’un an et demi, car elle se rend compte qu’elle ne sera pas toujours protégée par son secteur public.

La CFE-CGC, n’est pas soumise autant que les autres organisations syndicales au choc démographique ressenti dans les fonctions publiques.
Sa priorité, désormais bien comprise, est de consolider ses positions dans les 4 branches prévues par la loi pour préserver sa place de négociateur et de membre déterminant du paritarisme national.
*
Pour cela les responsabilités dans l’organisation ainsi que les moyens y afférant devraient être précisés lors du prochain congrès.


5 commentaires:

  1. Je suis très déçus car je pensais que vous pourriez presenter votre liste au congrès confédéral comme vous l'annonciez dans un de vos récents papiers sur ce blog.
    En effet les choses avaient au moins le mérite d'être claires et les suffrages vous auraient donné raison ou pas sur vos positions faces à celles du président sortant, et à partir de ce choix, vous auriez en tirer les conclusions et arreter de semer le trouble avec vos idées.

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  3. Pour répondre à Anonyme de 17h57 :

    Les statuts de la CFE-CGC stipulent que le congrès doit élire une liste comprenant le président, le trésorier et le secrétaire général. Par ailleurs, les fédérations qui votent disposent de mandats proportionnellement à leur nombre d'adhérent.
    Vous comprenez bien qu'à partir du moment ou le trio comprend un représentant de la première et de la deuxième fédération en nombre d'adhérents, qui représentent déjà presque 50% des voix qui s'expriment, il laisse peu de place pour un trio alternatif...

    Par ailleurs, il ne semble pas que les idées que je défends sèment tant que cela le trouble parmi les militants. Ils se retrouvent aussi largement dans notre syndicalisme de l'encadrement, en opposition à la pensée unique d'un syndicalisme généraliste que pratiquent toutes les autres organisations.

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  4. Je voudrais interpeller la confédération sur son intertie face aux attaques incessantes de FO sur la représentativité syndicale de la CFE-CGC. Pourquoi la CFE-CGC ne réagit pas ? Il me semble que FO pouvait attaquer la loi sans mettre en cause l'existence de la CFE-CGC, il suffisait qu'elle argumente sur les libertés syndicales comme elle tente de le faire au BIT...

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  5. En réponse au commentaire du 18 janvier, et comme il a été souligné dans le dernier post, la position de la confédération CFE-CGC est délicate :

    D'une part elle n'a pas signé la position commune, et donc en toute logique elle pourrait être de connivence avec FO, et maintenant la CFTC, pour contester la loi.

    Mais d'autre part, la CFE-CGC aurait trop à perdre si cette action était couronnée de succès car le retour à la présomption irréfragable de représentativité selon l'arrêté de 1966 n'est pas envisageable.
    Un risque important serait alors qu'elle soit reléguée, comme les autres OS, à être évaluée sur 3 collèges.

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